Droits de l'homme : La mère d'un activiste philippin disparu reçoit du soutien en Belgique

Jonas Burgos a été enlevé le 28 avril 2007, en plein jour, dans un centre commercial de Manille. Il a été emmené par des hommes armés dans un véhicule dont il s'est avéré par la suite qu'il appartenait à l'armée philippine.
Jonas avait 37 ans au moment de son arrestation. Spécialiste de l'agriculture, il donnait des formations sur l'agriculture organique au sein de l'organisation paysanne progressiste Alyansa ng Magbubukid sa Bulacan. Il est le fils de Jose Burgos Jr, une figure emblématique de la liberté de la presse sous la dictature de Marcos.
La Haute Cour de Justice des Philippines a reconnu la disparition de Jonas en 2013 comme une « disparition forcée ». Les mêmes instances ont imputé la responsabilité de la disparition au général de division Harry Baliaga et également fait état de la responsabilité de l'armée philippine dans l'affaire. Pourtant, l'armée s'obstine à prétendre qu'elle n'a rien à voir dans la disparition de Jonas.
Combattre l'impunité
Depuis des années déjà, l'Union Européenne soutient le gouvernement philippin dans sa lutte contre l'impunité, via le Programme euro-philippin de soutien à la justice (EPJUST II). Ce programme porte entre autres sur la recherche médico-légale et sur la formation de policiers et de militaires autour des droits de l'homme. Mais quel sens cela peut-il avoir, si les lois ne sont, de toutes façons, pas appliquées ?
En 2012, alors que le général Baliaga était mis en accusation, le sergent Año était promu au rang de chef des services de renseignement philippins. Año, lui aussi, a été désigné par Madame Burgos comme impliqué dans l'affaire. Cela montre bien qu'il n'existe aucune volonté politique de s'en prendre à l'impunité.
C'est loin d'être un cas isolé
L'affaire de Jonas n'est, hélas, pas un cas isolé. Aux Philippines, il n'est pas du tout évident de défendre ses droits. Les membres des mouvements sociaux y sont visés en permanence, au lieu d'être protégés. C'est pourquoi, en Belgique, nous sommes actifs depuis 2005 au sein de la plate-forme Stop the Killings, qui suit très attentivement ce phénomène. Sous l'ancienne présidente Gloria Arroyo, les violations des droits de l'homme étaient monnaie courante. Et le nouveau président, Benigno Aquino III, ne fait guère mieux. D'après l'organisation des droits de l'homme Karapatan, plus de 200 activistes ont été assassinés depuis juillet 2010 ; plus de 500 personnes ont été emprisonnées en raison de leur engagement politique et plusieurs activistes ont disparu sans laisser la moindre trace. Jonas est l'un d'eux. C'est pourquoi Edita ne se contente pas de faire connaître en Europe le seul cas de son fils, mais aussi celui de tant d'autres activistes disparus. Elle est très active dans l'organisation Desaparecidos, un mouvement qui défend les droits des activistes disparus aux Philippines.
« Jonas est mon frère »
Heureusement, Edita peut compter sur un énorme soutien international. C'est en 2009 qu'elle est venue pour la première fois en Europe. À l'époque, 1500 Belges ont figuré sur une photo avec une affiche de Jonas mentionnant « Jonas est mon frère ». Nous étions également quelques 350 frères et sœurs de Jonas à parcourir les rues de Bruxelles à la recherche de Jonas, lors de l'action Stop the Killings de cette même année. Un regard en arrière ici.
La visite de Madame Burgos pouvait donc être étayée par de précédentes actions de solidarité. Et, cette fois, avec plus d'échos encore : Nous avons rendu visite aux membres de la Sous-Commission des droits de l'homme du Parlement Européen. En 2010, ce même Parlement, a voté une résolution concernant les disparitions forcées et il y était explicitement fait allusion à Jonas. Les membres de la sous-commission nous ont promis qu'ils allaient demander une mise à jour de l'affaire Jonas au Parlement. Nous avons également rendu visite au Service Européen pour l'Action Extérieure, autrement dit, les Affaires étrangères de l'Union Européenne. Nous y avons rencontré le responsable des droits de l'homme et le responsable pour les Philippines, Thomas Wiersing. Tout récemment encore, il était aux Philippines et il a des contacts très rapprochés avec la Délégation européenne à Manille. Il allait à coup sûr les informer de notre visite et leur demander des mises à jour également.
Nous avons rendu visite aux étudiants de la Haute École de Courtrai pour une conférence ex cathedra, de même qu'à ceux de la Haute École Érasme de Bruxelles. Dans les deux cas, les étudiants ont été très impressionnés par le témoignage d'Edita et ils ont tous été repris sur les photos des frères et sœurs de Jonas.
Le film « Burgos » a été projeté en cinq endroits différents de notre pays et la projection à chaque fois, a été suivie d'un témoignage. De la sorte, nous avons pu toucher plus de 300 personnes, et tout le monde a également été repris sur les photos.
Edita est une femme profondément croyante et elle est membre de l'Ordre Séculier philippin des Carmélites. Afin d'exercer également des pressions par le biais de l'Église, nous avons obtenu un entretien avec Monseigneur Bonny, Évêque d'Anvers. Le prélat a consacré beaucoup de temps à écouter l'histoire d'Edita et en a été très ému et même passablement indigné. Lui aussi figure désormais sur la photo et il a promis d'adresser une lettre au président des Philippines.
Edita nous a également rendu une brève visite, mais qui s'est révélée particulièrement inspiratrice. J'en ai gardé une grande admiration pour cette dame qui, après 8 ans, se bat toujours avec la même énergie pour retrouver son fils. En annexe, vous trouverez un rappel chronologique de toutes les démarches qu'elle a entreprises et, ci-après, le lien vers un message de solidarité de la plate-forme Stop the Killings à l'occasion de la 8e commémoration de la disparition de Jonas.
Edita peut continuer à compter sur notre soutien !
Stop the Killings! Justice Now!